Des Français issus de l'immigration qui s'engagent pour Le Pen
10/04/2007 18:13
Des Français issus de l'immigration tentés par le front national.
Le phénomène reste minoritaire mais prend une ampleur inédite: des Français issus de l'immigration, pères de famille ou jeunes de banlieue, se disent prêts à voter à la présidentielle pour Jean-Marie Le Pen, champion de la "préférence nationale".
"Je vais voter pour Le Pen", affirme sans hésiter Mourad Asfour, 25 ans, étudiant en histoire de l'art à Dijon.
Pour lui, le candidat du FN, finaliste inattendu de 2002, crédité cette année de 13% à 16% des intentions de vote, est le seul candidat qui "incarne l'amour de la France".
Arrivé du Maroc à 1 an, ce musulman pratiquant approuve la priorité donnée à la lutte contre l'immigration car "les capacités d'accueil de la France sont saturées". Il estime que M. Le Pen partage avec lui certaines "valeurs morales", comme l'opposition au mariage homosexuel.
Il n'est pas isolé: le Canard enchaîné a fait état d'un sondage réalisé pour le ministère de l'Intérieur, selon lequel 8% des Français originaires du Maghreb seraient prêts à voter Le Pen. Soit plus de 100.000 électeurs potentiels.
Le candidat d'extrême droite a réussi un coup médiatique vendredi, en se rendant sur la dalle d'Argenteuil où l'UMP Nicolas Sarkozy, qui y avait parlé de "racaille", est mis par ses rivaux au défi de revenir.
Il avait déjà surpris en choisissant une jeune fille d'origine nord-africaine pour illustrer une des premières affiches de sa campagne 2007.
"Plutôt de gauche", Habiba Boualem, une juriste de 35 ans, dit que le parti socialiste ne lui "convient plus". Et puisqu'elle ne voit "aucune différence" entre le FN et l'UMP, elle choisit "l'original plutôt que la photocopie" (formule qu'affectionne Le Pen). C'est donc le candidat Front national qui aura son suffrage.
Cette fille d'immigrés algériens, qui vit dans la cité du Mirail à Toulouse, souhaite une "régulation de l'immigration".
"Le pauvre chasse plus pauvre que lui", constate avec amertume Sophia Chikirou, 27 ans, membre des instances dirigeantes du PS et auteur de "Ma France laïque".
Egalement fille d'immigrés algériens, cette militante du XXe arrondissement de Paris a constaté que nombre de commerçants immigrés de son quartier s'étaient engagés pour Le Pen.
Par exemple, propriétaires de petits hôtels réquisitionnés par les services sociaux pour l'hébergement de familles de sans-papiers, ils se retrouvent face à des dégradations. "Ils en veulent aux autorités et disent: +avec le Pen on sera débarrassé des sans-papiers et de la polygamie+".
"Y en a marre de voir des Maliens sans papiers logés dans des hôtels", confirme Farid Smahi, membre du bureau politique du FN, qui se déclare "Français patriote et musulman", et n'hésite pas aller vanter la "préférence nationale" dans des banlieues pauvres où il était autrefois "insulté".
Grâce à son association créée pour aider les enfants irakiens pendant l'embargo international, M. Smahi a réussi à se "faire accepter", puis se "faire entendre". Il assure avoir apporté 3.500 adhésions d'immigrés en moins d'un an au FN.
Perçu d'abord comme un "épiphénomène", le vote FN d'origine immigrée comporte désormais une "part d'adhésion", note le politologue Jean-Yves Camus.
C'est le cas de A.M., avocat algérien de 50 ans reconverti dans le commerce à Paris, père de deux enfants scolarisés dans le privé, qui ne supporte plus de voir ses impôts "distribués à des blacks et des arabes" pour lesquels la France ne serait "qu'une vache à traire".
Là où les sondages me donnaient 10% d'intentions de vote, je fais maintenant 13% ou 14%. Donc, j'extrapole tout naturellement.
Vous croyez donc aux sondages !
Non, je crois à la méthode. Les sondeurs sont des incompétents et des escrocs qui vendent une camelote qui n'existe pas et qui font acte d'hostilité à mon égard. L'envolée de Bayrou, c'est du bidon. On n'a jamais vu un candidat passer de 6% à 25% en deux mois. Dix millions d'électeurs qui, d'un seul coup, auraient vu saint Bayrou et auraient été transfigurés, ce n'est pas sérieux. Il va se dégonfler comme une baudruche. Comme M. Chevènement en 2002. On l'a maintenu à bout de bras pour empêcher que Le Pen soit le troisième homme.
[commentaire]-ceci est un essai [/commentaire]
Qu'est-ce qui joue en votre faveur ?
La prise de conscience directe par les citoyens de l'évolution de la situation du pays. Il y a un phénomène tsunamique de rejet du système qui fait qu'à gauche comme à droite des gens se disent, cette fois-ci ras-le-bol, je voterais Le Pen. Mes adversaires qui sentent cette évolution essaient de courir derrière moi et me renforcent.
Par rapport à 2002, il y a une différence d'offre. Mme Royal, candidate pour la première fois…
Voilà quelqu'un qui a été imposé par les sondages. C'est parce que les sondages ont affirmé que MmeRoyal battrait Nicolas Sarkozy au deuxième tour que les socialistes se sont ralliés à sa candidature, mais, à mon avis, elle va faire un bide. Elle n'est pas du tout à la hauteur du rôle, pas du tout !
Certains dans votre électorat naturel se souviennent de la mobilisation de l'entre-deux tours en 2002. Ils s'apprêtent à voter utile au premier tour car ils se disent que Le Pen n'accédera jamais au pouvoir.
Je rappelle que le général de Gaulle début 1958 faisait 3% des voix et six mois après il était au pouvoir pour onze ans. Qui se souvient de la mobilisation de l'entre-deux tours de l'élection présidentielle de 2002 ?
Il y a pourtant eu mobilisation.
Cela a été bidon. Entièrement artificiel. Monté, comme 1968, par le jeu des médias. Une mousse médiatique. Il y a eu 50000 morveux contents de sortir dans la rue encadrés par leurs profs pour crier "Le Pen à mort", "A mort Le Pen"… Cela s'est traduit dans les urnes par le score de Jacques Chirac.
Un score glorieux il faut le reconnaître. Un homme, décrit par tout le monde comme le plus grand menteur et le plus grand voleur de France, a fait 82% des voix! De quoi avoir quelque doute sur les vertus de la démocratie.
Vous ne craignez pas que cela se renouvelle?
Non.
Vous proposez de consulter les Français par référendum.
C'est même un des éléments fondamentaux de mes propositions. Je propose non seulement un programme, mais une méthode dans un pays où il n'y a plus de légitimité démocratique parce que la démocratie représentative ne représente pas 50% des électeurs. Il peut y avoir 360 députés UMP, cela ne fait pas l'adhésion populaire. Or, un régime démocratique a besoin d'une adhésion ou en tous les cas du consentement populaire.
Quels sont les changements apportés à votre programme ?
Je suis candidat au poste de chef de l'Etat pas de premier ministre. Je note une dérive de l'exercice politique dans cette campagne électorale, chacun se conduisant comme si on s'était rallié à la conception américaine de la présidence – ce qu'on comprend chez Sarkozy – à savoir que le président gouverne. Je suis désolé mais, dans nos institutions, ce n'est pas le président qui gouverne. Il faut que les Français sachent qu'ils ne choisissent pas un programme politique à l'élection présidentielle. Ils choisissent une personnalité qui sera l'incarnation provisoire de l'Etat et à ce moment-là un peu l'héritier des rois de France. Quelqu'un dont on aura les preuves de son patriotisme. M. de Villiers dit : "Je suis patriote." Mais il l'a montré où ? Sur les terrains de tennis de Vendée ?
Si vous arrivez au pouvoir, que ferez-vous ?
Je ne le vous dirais pas. Cela fait partie de la stratégie. Si vous voulez le savoir, lisez le livre de Jean-Claude Martinez, écrit il y a vingt ans, Les cent jours de Le Pen à l'Elysée.
Dans vos discours de Metz et de Valmy vous avez parlé de République. Qu'est ce que la République pour vous ?
Si c'est celle de la caisse du Crédit lyonnais, du sang contaminé, la "Ripoublique", ce n'est pas la mienne. Je ne conçois pas qu'il puisse y avoir une République contre la nation. La nation reste le cadre le plus performant pour la défense de la sécurité, de la liberté de la solidarité. Comment peut-on faire une solidarité nationale s'il n'y a pas de cadre national ? La solidarité implique la notion d'ensemble, la notion de cercle, la notion de club.
Est-ce que vous ferez alliance avec la droite actuelle ?
Non, je ne ferai pas d'alliance. Je fais une critique fondamentale de la manière dont la France a été gouvernée depuis trente ans. Ce n'est pas pour rechercher une alliance avec des gens dont je considère qu'ils sont directement responsables de la situation. Il faudrait qu'ils évoluent s'ils veulent redéfinir un rapport républicain avec moi et le Front national. Ce n'est pas moi qui m'alignerai sur eux.
Vos rapports étaient bloqués avec Jacques Chirac, une ère nouvelle peut s'ouvrir avec Nicolas Sarkozy ?
Pourquoi pas ? Oui.
Dans votre livre Les Français d'abord, vous dites : les citoyens sont égaux en droits, pas les hommes, qu'entendez-vous par là ?
Un vieux n'est pas égal à un jeune, un unijambiste pas à une danseuse étoile. Vous n'allez pas me faire la querelle de l'inégalité des races dont j'ai apporté la démonstration en disant qu'il était évident que les Noirs étaient très supérieurs aux Blancs dans la course à pied et, qu'en revanche, en natation les Blancs leur étaient supérieurs.
Vous dites que vous allez créer la surprise dans les banlieues auprès des Français d'origine étrangère. Pourquoi voteraient-ils pour vous ?
Les trublions en banlieue c'est 0,5 % de la population et le reste, 99,5 % souffrent. Cela dit, les trublions sont eux mêmes des victimes. Tous savent que les responsables sont les gens de gauche et de droite qui ont permis la surpopulation dans les banlieues, la sous-scolarisation, le chômage, et pas Le Pen. Ils se disent : "Le type qui conteste cette politique-là, il est assez sympathique", voilà. Comme ils pensent que c'est un homme qui a du caractère, ils se disent que si un jour il y avait des problèmes graves d'insécurité, il sera en mesure de prendre les décisions qui s'imposent
Et quelle est la méthode ?
Cela passe par l'immigration zéro. On ne règle pas le problème de la banlieue en envoyant des CRS et des chars d'assaut.
Vous voulez être le représentant "des petits, des sans grades". Que leur proposez-vous ?
D'arracher leur pays à l'esclavage. De leur garder ce que Jaurès disait : "La dernière richesse des pauvres, quand ils ont tout perdu, c'est la patrie." Ensuite de faire les réformes économiques susceptibles de leur redonner du travail et de recréer la prospérité en France en réduisant un peu la boulimie de l'Etat ainsi que celle de classes dirigeantes trop heureuses de pouvoir faire les généreuses avec l'argent des pauvres.
En même temps vous leur proposez d'augmenter leur journée de travail, puisque vous êtes contre les 35 heures…
Je ne crois pas du tout que ce soit un cadeau que l'on ait fait aux travailleurs. Cela, c'est la conception marxiste qui consiste à proposer aux gens ce que l'on propose aux instituteurs depuis trente ans : à savoir vivre en savates avec un blue jeans dégueulasse en travaillant le moins possible. Eh bien moi, je voudrais que les gens souhaitent s'habiller le dimanche, accéder à un niveau de vie supérieur autrement que par la voie de la discrimination positive de Sciences Po.
Reculer l'âge de la retraite, refondre le code du travail, est-ce prendre la défense des travailleurs ?
Mais c'est inévitable, compte tenu de l'allongement de la vie et de l'augmentation du nombre des inactifs. Ou bien on augmentera le temps de travail et le nombre de travailleurs par le plein emploi, ou bien on ne pourra pas le faire. Et dans ce cas les retraites seront vidées de leur substance puisqu'il n'y aura plus de cotisations.
Et l'assouplissement des règles de licenciement ?
Ce modèle social français, c'est le scaphandrier cycliste. Les différents gouvernements ont ajouté au scaphandre un masque à gaz, un casque, un parachute ventral. Le cycliste est protégé, mais il ne peut plus monter sur son vélo. Je veux démonter ce système. Il faut libérer le droit du travail. Il faut permettre aux entreprises de lutter. Quand on les oblige à lutter en ouvrant les frontières et en les livrant à la rivalité des pays du monde où il n'y a pas de coût social, fiscal ou monétaire, il est évident qu'on les égorge. Le rêve des bourgeois et des bobos, c'est les Restos du cœur! Là au moins on peut démontrer la générosité de la classe dirigeante. C'est beau…
Vous prônez une libéralisation forte mais avec protection aux frontières? Oui, évidemment.
Les frontières de la France ?
Je ne crois pas aux frontières européennes. Je ne crois pas à l'Europe.
Vous faites quoi ?
Je mets des tarifs douaniers avec des impôts modulables et remboursables. Quand la Chine nous vendra pour 1 milliard de chemises elle sera taxée à 30%, soit une somme de 300 millions, qu'elle pourra utiliser pour acheter en France.
Qu'est-ce que vous ferez de l'euro ?
J'en fais des confitures ! L'euro a été institué parce qu'on voulait créer un Etat supranational. Manque de pot, l'Etat supranational s'est pris les pieds dans la Constitution et s'est cassé la gueule. Moi, je dis que l'euro périclitera.
A l'Elysée, vous ferez des réformes constitutionnelles…
Cela se fera par référendum, donc on verra bien. D'abord vivre et survivre. Il faudra aveugler la voie d'eau par laquelle le bateau se remplit et qui peut le faire couler, c'est-à-dire arrêter l'immigration.
Vous n'avez pas changé.
J'ai passé l'âge.
Quand on dit : M. Le Pen s'est assagi…
Oui, maintenant il fait sous lui, c'est bien connu. Il n'en peut plus… Je déplore la tendance de la classe politique à la mièvrerie sentimentale et au compassionnel. Je pense que l'homme public étant par définition chargé d'imposer l'intérêt général à des minorités, il ne peut pas espérer être aimé. S'il est respecté, c'est déjà exceptionnel.
Y a-t-il un homme politique français, qui soit votre modèle?
Vous vous doutez bien que ce n'est pas Albert Lebrun. Ce serait Clemenceau à la rigueur – ce vieux rad-soc, francmac'-là – parce qu'il était patriote et que c'était un vieux con en plus! Il me sert d'alibi en quelque sorte.
Jean-Marie Le Pen va se rendre dans les territoires "abandonnés"
Jean-Marie Le Pen se rendra vendredi dans la région parisienne à la rencontre des territoires "abandonnés par les politiciens français", annonce le Front national.
Le candidat du Front national visitera pendant une grande partie de la matinée une ou plusieurs communes de banlieue accompagné de sa fille Marine, a précisé son service de presse.
"Ce sera une surprise", a dit Marine Le Pen, sa directrice de campagne.
Le président du FN quittera le siège du parti, à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) à 9h15 dans sa voiture, suivi de plusieurs bus transportant la presse. Il y reviendra vers 12h30.
Marine Le Pen avait déjà fait une incursion en banlieue au début de la semaine en visitant pendant une heure le marché du centre de Meaux (Seine-et-Marne), mais pas Beauval et La Pierre-Collinet, quartiers réputés difficiles.
Le président du FN, déjà très présent au sein de l'électorat ouvrier et en hausse chez les ruraux depuis 2002, a axé une partie de sa campagne en direction des "sans grade" et des habitants des quartiers populaires.
Il dit avoir constaté partout lors de ses déplacements en province la paupérisation de la France et ses proches insistent sur le sentiment de peur et d'abandon des habitants des cités sensibles aux prises avec l'insécurité.
Depuis son appel aux "Français d'origine étrangère" à Valmy à l'automne dernier, Jean-Marie Le Pen tente parallèlement de séduire l'électorat issu de l'immigration, sans convaincre les politologues de ses chances d'obtenir dans ce domaine des résultats significatifs.
"Même si on ne demande pas l'origine des gens quand ils adhèrent, il semblerait qu'un certain nombre soient passés au-delà du 'prêt-à-penser' et, aujourd'hui, s'interrogent très lucidement et même adhèrent aux propositions du Front", a récemment déclaré Marine Le Pen.
Même si, dans son programme, l'immigration reste la cause principale des problèmes de la France, le président du FN promet aux descendants d'immigrés la "préférence nationale."