La succession de Jean-Marie Le Pen, qui aura 79 ans fin juin, à la présidence du Front national (FN) occupe tous les esprits. Au sein du parti mais aussi à l'extérieur - dans la nébuleuse d'extrême droite et de droite extrême allant jusqu'à l'eurodéputé souverainiste, Paul-Marie Coûteaux - où l'on cherche à élargir le débat pour évoquer la nécessité d'un "Epinay de la droite nationale". Et cela en référence au congrès de juin 1971 qui a vu la fusion de l'ex-SFIO de Guy Mollet avec la Convention des institutions républicaines de François Mitterrand pour former le nouveau Parti socialiste. Au point que Le Choc du mois, mensuel qui s'est donné pour but de désenclaver l'extrême droite, consacre un épais dossier à "l'avenir de la droite nationale" dans son numéro de mai.
Cela fait des années qu'est soulevé de manière récurrente ce problème de succession. Il en était déjà question au congrès de Marly (Yvelines) en 1994. Elle provoqua le départ en décembre 1998 de Bruno Mégret, alors délégué général du FN, avec près de la moitié de l'appareil et à la création du MNR. A la suite de cette scission, Jean-Marie Le Pen avait cherché à apaiser les esprits en déclarant qu'en cas d'empêchement de sa part, autrement dit de décès ou de grave maladie, Bruno Gollnisch, alors secrétaire général, reprendrait le flambeau jusqu'au congrès chargé de nommer le nouveau président. Puis face aux impatiences des partisans de M. Gollnisch - parmi eux Jacques Bompard, Marie France Stirbois, Bernard Antony ou Christian Baeckeroot - il avait promis de se mettre en congé du parti pour se présenter "en homme libre" à la présidentielle de 2002. Une promesse non tenue au dernier moment.
Rongeant leur frein, les désormais adversaires de M. Le Pen, mais aussi de sa fille Marine Le Pen, s'étaient promis de prendre leur vengeance lors du congrès de Nice en 2003. La qualification du président du FN au second tour de la présidentielle de 2002, et aussi le refus de M. Gollnisch de se présenter contre M. Le Pen a contrecarré leur plan.
EUROPÉENNES DE 2009
Aujourd'hui la situation est différente. Les opposants les plus virulents - MM. Bompard et Antony - ont quitté le FN et Mme Stirbois est décédée. Plus personne ne songe à attaquer frontalement M. Le Pen qui vient d'essuyer un sérieux revers à la présidentielle. Celui-ci a d'ailleurs déjà fait savoir qu'il serait candidat à sa propre succession au congrès prévu fin novembre et qu'il comptait rester en place au moins jusqu'aux élections européennes en 2009 afin de ferrailler contre le traité simplifié promis par Nicolas Sarkozy. En revanche chacun, de Marine Le Pen à Bruno Gollnisch, s'emploie à faire comprendre au président du FN qu'il serait bon qu'il prépare lui même dès le prochain congrès la relève.
Partisans de Mme Le Pen et partisans de M. Gollnisch ont commencé les grandes manoeuvres. Déjà s'esquissent deux approches. La première, portée par Mme Le Pen, défend l'idée d'un parti unifié autour d'un programme qui, une fois consolidé, pourrait passer des alliances. Il s'agit de rompre avec ce que le FN a été jusqu'à récemment : un conglomérat de sensibilités diverses. A l'inverse, M. Gollnisch n'est pas "hostile a priori" à l'idée d'un "Epinay de la droite nationale" défendu par le président du MNR, M. Coûteaux et des régionalistes.
Ces deux sensibilités rivales s'accordent pour penser que "l'avenir appartient au FN" s'il se tient prêt à accueillir "les déçus Nicolas Sarkozy" mais aussi, comme l'explique M. Gollnisch au Choc du mois "les déçus du mouvement démocrate (...) car la victoire tactique de François Bayrou va se transformer en défaite stratégique".
source : Le Monde.fr