Marine Le Pen, directrice stratégique de la campagne présidentielle s'est donné pour mission de transformer le Front national, jusque-là surtout protestataire, en parti de gouvernement. Depuis trois mois, vingt commissions d'action présidentielle, les CAP Le Pen 2007, travaillent à l'élaboration d'un programme qui servira pour les campagnes présidentielle et législatives. Son contenu devrait être publié lors de la convention des 24 et 25 février à Lille. Ce qui n'empêche pas le président du FN d'en distiller le contenu au fil de ses discours.
Louis Aliot, secrétaire général et adjoint au directeur de campagne - fonction tenue par Jean-Marie Le Pen - promet une "révolution douce". "Révolutionnaire", ce programme l'est dans la mesure où il propose une société radicalement différente de celle qui existe aujourd'hui.
Il l'est moins au regard des programmes antérieurs puisqu'il repose toujours sur la préférence nationale qui distingue les Français des étrangers pour donner aux premiers la priorité en matière d'emploi et de logements sociaux et leur réserver les prestations familiales et les aides sociales. Son inscription dans la constitution est toujours d'actualité.
Le programme 2007 envisage toujours de renégocier les traités européens pour créer une Europe dans laquelle les nations reprendraient leur souveraineté, récupéreraient le contrôle de leurs frontières, troqueraient l'euro "monnaie unique" contre un euro "monnaie commune".
Enfin, l'"immigration zéro" figure toujours au programme, tout comme la fin du regroupement familial, l'expulsion des familles de délinquants ou l'abandon du droit du sol au profit de la loi du sang pour l'acquisition de la nationalité. La naturalisation est plus que jamais soumise à la preuve de l'assimilation dans la société française des postulants.
La nouveauté réside essentiellement dans l'adjectif "douce" par lequel M. Aliot veut caractériser sa "révolution". Plus question de heurter. Désormais, M. Le Pen s'efforce de mettre l'accent sur les à-côtés du projet frontiste.
Lorsqu'il aborde l'immigration il souligne la nécessité de mettre en oeuvre une politique de codéveloppement avec les pays africains. De même, insiste-t-il sur le fait que la naturalisation ne se fera pas sur des critères "d'origine ethnique ou religieux". Ce qui n'est pas nouveau chez M. Le Pen mais n'était pas mis en avant.
En revanche, c'est la première fois que dans une campagne électorale celui-ci s'adresse directement aux électeurs d'origine étrangère en mettant en scène une jeune fille de couleur (cette dernière est en fait d'origine antillaise). L'innovation n'a pas été au goût de tout le monde : le groupuscule d'extrême droite Les Identitaires, vient de publier une affiche détournant celle du FN avec les inscriptions "Black, blanc, beur, non merci".
Partant du principe qu'une fois arrivé au pouvoir il pourra immédiatement prendre les mesures qui lui permettront de dissuader l'immigration, d'expulser les clandestins et de limiter les naturalisations, il envisage désormais d'"accueillir un certain nombre d'immigrés dont l'intégration serait souhaitable parce que conforme à l'intérêt économique de la France".
"RÉALISME GOUVERNEMENTAL"
Toujours au nom de ce fameux "réalisme gouvernemental" demandé par Mme Le Pen, Carl Lang, responsable de la commission sociale, a suggéré l'abandon du principe de caisses de sécurité sociale et de retraite séparées pour les Français et les travailleurs d'origine étrangère : "Cette séparation n'aura plus lieu d'être, l'immigration étant maîtrisée", insiste M. Lang.
Question impôts, la suppression de l'impôt sur la fortune est toujours à l'ordre du jour ainsi que celle de l'impôt sur le revenu en revanche cette dernière se fera dorénavant "progressivement, tout au long du mandat". Et, pour la première fois, le parti avance des barèmes portant sur tout le système fiscal.
En ce qui concerne l'avortement, un thème sensible au sein de la branche catholique du FN, le programme envisage toujours de revenir sur la loi Veil mais "par voie référendaire" et en fin de mandat. Une option qui n'est pas nouvelle puisqu'elle figurait déjà dans la brochure Cinq référendums pour un quinquennat rédigée par Louis Aliot et soutenue par Marine Le Pen lors de l'élection présidentielle de 2002.
Déjà en 2002, M. Le Pen préférait-il insister sur la nécessité de créer un environnement et de mener une politique familiale d'"accueil à la vie" pour décourager les IVG.
Source : Le monde.fr