Marine Le Pen : « Seul un Etat fort pourra conserver la Calédonie dans la France »
Marine Le Pen, vice-présidente du Front national et directrice stratégique de la campagne présidentielle de son père Jean-Marie, est arrivée en Nouvelle-Calédonie pour une visite de cinq jours, sa première. Elle évoque la perspective de l’élection présidentielle, la vision du Front national pour la Nouvelle-Calédonie et la question du corps électoral.
Les Nouvelles calédoniennes : Quelles sont les raisons de votre venue ?
Marine Le Pen : Il y a des échéances fondamentales d’ici quelques mois. La présidentielle est un événement majeur, dans une situation où la France va mal. Et je ne suis pas mécontente d’être là, particulièrement cette semaine, parce que ça va me permettre de participer à un débat sur le gel du corps électoral. Je vais pouvoir exprimer l’étendue de la consternation que me procure cette proposition.
LNC : Jean-Marie Le Pen est donné aujourd’hui à 18 % d’opinions favorables dans les sondages...
M. L P. : Quand je suis partie, il était à 17, mais comme ça monte tous les deux jours, ce n’est pas très étonnant. Objectivement, il y a un phénomène de rejet massif de la classe politique, lié à ses résultats catastrophiques. Les Français commencent à prendre conscience que la politique qu’on leur vend depuis trente ans, la gauche comme la droite, est mauvaise et les appauvrit. Ils sont prêts à choisir d’autres solutions politiques que celle-là, et la seule autre solution politique que la droite de Sarkozy et la gauche de Ségolène est la politique nationale, populaire et sociale de Jean-Marie Le Pen. Ce n’est donc pas étonnant de le voir monter
de manière assez spectaculaire dans les sondages. Mais cette montée n’a de corollaire que la spectaculaire descente de la France.
LNC : Quelle est l’ambition du Front national pour la Calédonie ?
M. L P. : Nous sommes défenseurs de la Calédonie française et nous pensons que seul un Etat fort pourra conserver la Calédonie dans la France. La faiblesse de l’Etat français, si elle perdure, entraînera inexorablement l’indépendance.
LNC : Pourquoi ?
M. L P. : Parce qu’une partie de la classe politique métropolitaine a fait une croix sur la Calédonie. Comme ils ont totalement perdu de vue la grande idée de nation, tout est envisagé en termes de combien ça coûte et combien ça rapporte. La classe politique française est en train de laisser s’éloigner la Nouvelle-Calédonie. Nous sommes vraiment les seuls à avoir une vision différente. Nous sommes ceux qui refusons cela, et qui dénonçons systématiquement ceux qui se prêtent à cette malhonnêteté.
LNC : Seulement en Métropole ?
M. L P. : Je crains hélas qu’une grande partie de la classe politique calédonienne soit complice de cette situation. Je pense à tous ceux qui ont participé à des accords dont ils savaient à quoi ils devaient mener, et qui aujourd’hui crient que jamais ils n’ont voulu cette situation.
Il m’apparaît qu’il y a une véritable malhonnêteté dans la manière dont, progressivement, on impose, avec la méthode du voleur chinois, une indépendance dont je suis persuadée que les Calédoniens ne veulent pas.
Il est temps qu’ils ouvrent les yeux et fassent confiance, ici comme en Métropole, aux seuls qui ne les ont jamais trompés.
LNC : L’Accord de Nouméa, que le Front national refusait, a pourtant été voté par 72 % des Calédoniens.
M. L P. : L’Accord de Nouméa me fait un peu penser à Maastricht. Il a fallu quelques années avant qu’on s’aperçoive quel était le but de tout cela... Je suis juriste et la lecture de cet accord est à tomber de sa chaise. Ça a été un peu fait à la va- vite, comme toutes les choses qu’on veut faire passer dans le dos des gens. J’avoue que demander trois fois aux gens s’ils sont d’accord à chaque fois qu’ils ne sont pas d’accord, c’est se moquer du monde. C’est un peu ce que veut faire notre classe politique avec la constitution européenne : comme le peuple vote mal, il faut changer le peuple. Ce n’est pas la conception que nous avons, ni de la France, ni de sa Constitution.
LNC : Vous dites non à l’indépendance. Mais l’autonomie ?
M. L P. : Qu’il existe une spécificité, bien sûr. Qu’il existe une gestion de la vie économique et politique locale, bien entendu. Qu’il y ait derrière cela une volonté d’indépendance, non. La Calédonie fait partie de la France et l’Etat français doit conserver ses pouvoirs régaliens. Tout ce qui tend, sous des vocabulaires divers et variés, que ce soit Etat associé ou Etat fédéré, à aller au-delà de ça témoigne d’une volonté politique sous- jacente d’arriver à l’indépendance ; ce qui a été négocié manifestement entre les différents barons, dont on connaît les noms que personne ne prononce. C’est comme dans Harry Potter...
LNC : Est-ce aussi le cas pour le corps électoral gelé ?
M. L P. : C’est comme pour la fille de Mitterrand : tout le monde sait mais personne ne dit. Le gel du corps électoral, comme d’ailleurs le corps électoral glissant, est un procédé absolument anticonstitutionnel en ce qu’il crée une différence de traitement entre des Français, et surtout dans le dos des Calédoniens, à qui on n’a pas très franchement demandé leur avis. En France, on va faire voter les immigrés, et ici on va empêcher des Français de voter. Ça fait un peu mal aux électeurs quand on fait un grand écart comme cela.
Nous, nous pensons qu’il faut que les Calédoniens soient interrogés sur cette disposition par l’intermédiaire d’un référendum.
LNC : Sentez-vous la classe politique métropolitaine prête à aller contre la volonté du gouvernement sur le gel du corps électoral ?
M. L P. : Hélas... Les parlementaires ne sont jamais décevants en ce qu’ils prennent à peu près systématiquement les mauvaises décisions. Mais nous serons amenés, dans les conditions que j’exposerai lundi soir, à les mettre face à leur responsabilité individuelle de parlementaires.